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Pandémie Coronavirus

Autorisations d’urbanisme : rien ne s’oppose, par principe, à leur délivrance expresse durant la période d’état d’urgence sanitaire (le 09/04/20/ mise à jour le 17/04/20).

Mise à jour suite à la publication de l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020.

1.

L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à l’adaptation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire prévoit, en son article 7 que :

« […] les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’un des organismes ou personnes mentionnés à l’article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er [date de fin de l’état d’urgence sanitaire + 1 mois].

Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant [l’état d’urgence sanitaire + 1 mois] est reporté [jusqu’à la date de fin de l’état d’urgence sanitaire + 1 mois].

Les mêmes règles s’appliquent aux délais impartis aux mêmes organismes ou personnes pour vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l’instruction d’une demande ainsi qu’au délai de rétractation fixé au titre de la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique prévue par l’article 72 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.

Sous réserve des dispositions de l’article 12, les délais prévus pour la consultation ou la participation du public sont suspendus jusqu’à l’expiration d’une période de sept jours suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée ».

La durée de l’état d’urgence sanitaire est fixée à deux mois à compter de l’entrée en vigueur immédiate de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020.

En l’état, et sauf prolongation de cette mesure, l’état d’urgence sanitaire prendra donc fin le 23 mai 2020.

La période de suspension des délais prendra donc fin un mois après la fin de l’urgence sanitaire, soit, par hypothèse, le 23 juin 2020.

Il s’agit d’une mesure de protection vis-à-vis :

  • Des collectivités qui, du fait des mesures de confinement, se trouvent potentiellement en sous-effectif pour instruire les dossiers ;
  • Des tiers, contre qui les délais de recours ne peuvent courir ;
  • Des pétitionnaires, dans une moindre mesure, puisque les délais de demande de pièces complémentaire sont également suspendus.

Il n’en demeure pas moins que, pour les pétitionnaires, ces mesures sont susceptibles de prolonger les délais d’instruction et, in fine, ceux de purge des recours des tiers et de levée des conditions suspensives de certains actes de vente.

Or, l’ordonnance n° 2020-306 précitée n’a ni pour objet, ni pour effet, de « geler » la délivrance des autorisations d’urbanisme.

2.

En effet, cette ordonnance vise exclusivement la suspension des délais et non des procédures de délivrance.

Autrement dit, seuls les délais d’instruction fixés pour considérer qu’un permis de construire tacite a été délivré sont concernés par l’ordonnance précitée.

Ainsi, deux hypothèses se présentent :

  • Concernant les dossiers déposés avant le 12 mars et dont le délai d’instruction expire avant le 23 mai prochain :
    • Les autorisations délivrées auront le mérite d’être délivrées avant l’expiration du délai d’instruction. Le délai de recours des tiers ne pourra courir qu’à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit le 23 mai 2020.
    • Les refus seront également opposés avant la fin de l’instruction, ce qui, là encore est usuel.

Le délai de recours contre la décision de refus ne courra, en revanche, qu’à compter de l’issue de l’état d’urgence sanitaire + 1 mois (23 juin 2020) pour une durée de 2 mois, soit jusqu’au 24 aout 2020.

  • Concernant les dossiers déposés après le 12 mars, il est constant que le point de départ du délai d’instruction débute au jour de la cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit le 23 mai prochain.

Rien n’interdit de débuter l’instruction et de notifier la décision (délivrance ou rejet) avant que le délai d’instruction n’ait débuté.

Dans cette hypothèse, il convient d’être particulièrement attentif à la réunion de l’ensemble des avis exprès des collectivités et personnes publiques concernées, lesquelles ne peuvent émettre d’avis tacite.

Là encore, le délai de recours des tiers ne commencera à courir qu’à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit le 23 mai 2020.

L’Association des Maires de France indique pour sa part :

« L’attention des services instructeurs est attirée sur le fait qu’aucune décision tacite ne peut intervenir pendant cette période ; aussi, il n’est pas possible d’établir, pour les demandes ou les déclarations concernées le certificat prévu à l’article R424-13.

Dans l’intérêt des administrés, au regard des délais ainsi reportés, il est pertinent de prendre des décisions expresses pour toutes demandes ou déclarations » (Urbanisme, Covid-19 et loi d’urgence : suspension de tous les délais, AMF, 26/03/2020).

Cela semble cohérent avec l’esprit du texte et du gouvernement tendant à faciliter la prise de décision par les exécutifs locaux (voir notamment l’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l’épidémie de covid-19).

3.

Au total, rien ne s’oppose à la délivrance d’autorisations d’urbanisme expresses, sous les réserves et précautions suivantes :

  • Vérifier la compétence de l’auteur de l’acte, compte tenu du report du second tour des élections municipales ;
  • Réunir l’intégralité des avis nécessaires sous la forme expresse, aucun avis tacite n’étant délivré durant la période concernée ;
  • Alerter les pétitionnaires se voyant accorder une autorisation que la purge du recours des tiers ne pourra débuter qu’en cas d’affichage régulier à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit le 23 mai 2020 (sauf prolongation) et que le délai de retrait de 3 mois de la décision (article L. 424-5 du code de l’urbanisme) ne commencera à courir qu’à compter de cette même date (sauf prolongation) ;
  • Alerter les pétitionnaires se voyant refuser une autorisation que le délai de recours contentieux est de deux mois à compter du 23 juin 2020 (sauf prolongation).

Yohan VIAUD, avocat associé, et Timothée FOUCHE, avocat directeur du Pôle Droit Public PARTHEMA